Le livre de Peter Huber, auquel Ralph Hug a collaboré, sur les volontaires suisses dans la guerre civile espagnole arrive au moment où la loi qui permet la réhabilitation des combattants helvétiques par les Chambres fédérales est sur le point d’être votée. Selon Peter Huber, aucune autre démocratie ne s’est montrée aussi sévère avec ses ressortissants qui s’étaient battus en Espagne. 420 d’entre eux ont été mis en examen par la justice militaire pour être entrés au service d’une armée étrangère et avoir ainsi affaibli la force de leur armée nationale. Les peines de prison allaient de un à six mois.
L’ouvrage est divisé en trois parties. La première permet à un public non spécialiste de l’histoire des combattants des Brigades Internationales en Espagne d’entrer dans le sujet.
La seconde partie consiste en une socio-biographie des volontaires suisses ou qui résidaient en Suisse avant leur départ pour l’Espagne. Basées sur un traitement quantitatif des données récoltées sur les volontaires, les analyses présentées dans cette partie permettent de se faire une idée notamment des profils sociologiques des combattants helvétiques, de leurs origines sociales, des professions exercées, de leur situation économique et de la division genrée du travail en Espagne. Un traitement qualitatif complète le quantitatif et documente des aspects tels que les motivations au départ et le traitement réservé aux volontaires féminines, par exemple. Spécialiste de l’histoire des combattants suisses en Espagne, Peter Huber avait déjà en grande partie traité ces questions de façon plus développée dans un livre publié en 2001 avec Nic Ulmi.1
L’apport substantiel de l’ouvrage réside dans sa troisième partie: les notices biographiques de 626 volontaires suisses, 128 étrangers qui vivaient en Suisse avant leur départ pour l’Espagne et 26 personnes pour lesquelles il n’a pas été possible de déterminer une nationalité. Du point de vue des sources, la Suisse constitue un cas à part, puisqu’en plus des dossiers des archives des Brigades Internationales, les historiens ont pu utiliser les dossiers de la justice militaire helvétique. Les témoignages d’anciens combattants complètent le corpus et illustrent également les deux premières parties du livre.
Comme dans d’autres ouvrages de biographies collectives, les notices sont assez inégales. Certaines ne dépassent pas quatre lignes, alors que d’autres s’étendent sur plusieurs colonnes. Les plus complètes rassemblent des informations sur la naissance et les origines sociales des brigadistes, le moment de départ pour l’Espagne, l’incorporation dans les Brigades Internationales et leur jugement en Suisse. Elles permettent surtout de suivre des trajectoires de vie.
Un site internet (www.spanienfreiwillige.ch) complète très bien le livre. Il a été édité par l’IG Spanienfreiwillige, un collectif qui rassemble des historiens et des personnes intéressées par la problématique. Selon le collectif, le site a pour fonction d’apporter une contribution historienne à l’établissement d’une mémoire collective des combattants suisses antifascistes et à une réhabilitation durable.2 Par ailleurs, le site est aussi un outil intéressant puisque contrairement au livre, il fait l’objet d’une réactualisation. On y trouve une base de donnée sur les volontaires et des informations sur le processus de réhabilitation des combattants suisses.
Au-delà de l’apport sur ces combattants, l’ouvrage et le site se révéleront sûrement d’une très grande utilité pour les autres chercheurs qui travaillent sur des études de réseau ou des prosopographies. Ils nous permettront de remonter des pistes pour identifier les liens et les circonstances de rencontre des acteurs, notamment dans les études sur l’antifascisme en Europe et les réseaux du refuge en Suisse jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
1 Nic Ulmi, Peter Huber, Les combattants suisses en Espagne Républicaine (1936–1939), Lausanne, Antipodes, 2001.
2 http://www.spanienfreiwillige.ch/
Citation:
Alix Heiniger: compte rendu de: Peter Huber avec la collaboration de Ralph Hug: Die Schweizer Spanienfreiwilligen. Biographisches Handbuch. Zurich, Rotpunktverlag, 2009. Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 60 Nr. 1, 2010, p. 154-155.